• Visite d’actualité de la démocratie américaine

    Trump est-il légitime ?

    Aux USA la démocratie est-elle dévoyée ?

    Sommes-nous mieux lotis que les américains ?

    Ya-t-il des processus électoraux infailliblement satisfaisants ?

     

    Depuis l’élection de Donald Trump suivie de nombreux commentaires relatifs aux votes populaires qui étaient majoritairement en faveur de H. Clinton, je suis interpelé par plusieurs de mes connaissances qui me disent combien l’Amérique est archaïque et qui attendent que ma modeste expérience américaine les conforte dans leur point de vue.

     

    Je donne donc ici mon opinion au risque de les décevoir.

     

    Election du Président fédéral aux USA. La méthode.

    L’élection est confiée à un collège électoral représentatif de la taille des Etats membres.
    Ce sont les ‘’grands électeurs’’.
    Chaque état dispose d’autant de grands électeurs que de représentants fédéraux (députés et sénateurs).

    Dans l’UE c’est le Parlement Européen qui élit le Président de la Commission.

    Contrairement à l’UE, les élus fédéraux américains ne sont pas les grands électeurs, ceci pour ne pas fausser le vote car les députés fédéraux qui doivent être renouvelés en même temps que le Président, représentent la majorité sortante mais pas nécessairement la nouvelle majorité que choisira le peuple.

    Comme pour l’Union Européenne, chaque état américain détermine son propre mode de scrutin.

    Pour l’élection présidentielle les états ont progressivement abandonné le scrutin proportionnel en faveur du ‘’winner take all’’. Un scrutin où le parti gagnant remporte tous les grands électeurs de son état.

    Seuls deux états, le Maine et le Nebraska, continuent de partager les grands électeurs selon une répartition à la proportionnelle.

     

    Pour l’élection du Président des Etats-Unis on procède donc en deux étapes :

    ·       D’abord chaque électeur vote en faveur du grand électeur de son choix.
    Dans chaque circonscription, il y a un candidat grand électeur pour chacun des partis proposant un candidat à l’élection présidentielle.

    Et dans chaque circonscription un seul grand électeur est retenu par le suffrage populaire.
    Ultérieurement cet élu devra procéder à l’élection du Président.
    Comme tout élu il reste cependant libre de son vote même si son élection reflète sa position en faveur du candidat de son parti.

    ·       Ensuite les grands électeurs votent en faveur du candidat de leur choix.

    Le nombre de candidats n’est pas limité mais, historiquement seuls les candidats de trois partis récoltent suffisamment de grands électeurs pour être susceptible de l’emporter. Il s’agit du candidat du parti républicain, de celui du parti démocrate et occasionnellement de celui du parti libéral.
    Lorsque la marge entre les grands électeurs n’est pas serrée, leur vote ne fait qu’entériner le choix populaire mais si le partage entre les deux ou trois principaux partis est équilibré, ce qui arrive quelquefois quand les libéraux ont un candidat, alors les grands électeurs peuvent changer l’élection et ne pas désigner le mieux placé comme nouveau Président.
    Mais cela n’est jamais arrivé.

     

    Les résultats 2016 

    Il y a en tout 538 grands électeurs correspondant aux 435 députés fédéraux et 100 sénateurs (2 pour chacun des 50 états de l’union) plus 3 pour le District de Columbia (la capitale) qui, neutralité oblige, n’a pas de député ni de sénateur.
    Pour être élu un candidat à la Présidence des USA doit donc obtenir plus de 50% des votes soit au moins 270 votes de grands électeurs.

    Le collège électoral issu du vote populaire de novembre comprenait 306 grands électeurs sensés voter pour Trump et 231 pour Clinton. Cette répartition largement favorable à Trump ne donnait aucune possibilité raisonnable de renverser le résultat.

    Le vote des grands électeurs a donc confirmé cette situation avec 304 en faveur de Trump (il a perdu 2 grands électeurs qui se sont abstenus) et 227 en faveur de Clinton (elle a perdu 4 votes qui sont allés à des petits candidats).

    Trump est donc élu Président et sera en fonction le 20 janvier prochain.

     

    Les votes populaires favorisaient Clinton 

    Selon le décompte final, Clinton a obtenu 65 788 583 votes alors que Trump n’en totalisait que 62 955 363.

    Cette différence de 2 833 220 ou 2,2% n’est pas négligeable et nombreux sont les observateurs étrangers qui, comme certains démocrates déçus, ont jugé que l’élection a été faussée.

    Cependant, en y regardant de plus prés, on voit que la Californie a opté massivement pour Clinton qui y a récolté 8 753 788 votes populaires contre seulement 4 483 810 pour Trump.

    Cette énorme différence de 4 269 978 votes soit 3,2% en faveur de Clinton pour la seule Californie doit être mis en perspective car, hors Californie, le reste des USA s’est prononcé avec un vote populaire globalement en faveur de Trump qui, dans les 49 autres états, a obtenu 1 436 758 voix de plus que Clinton soit 1,2%.

     

    Mon commentaire sur tout ça 

    Le scrutin décrié par nos bons démocrates qui trouvent les USA archaïques et qui sont fiers de notre système car, depuis la cinquième république, il nous permet d’élire notre Président au suffrage universel direct.

    On serait donc meilleurs. Cocorico !

    Je n’en suis tout à fait convaincu.

    Pour obtenir ce label, il faudrait comparer. Alors comparons ce qui est comparable.

     

    Par exemple, la France  –grand état de l’UE — se compare à la Californie –grand état des USA--  et le Gouverneur là-bas comme le Président ici, est élu au suffrage universel direct.

    Match nul.

    D’ailleurs, les états américains n’ont jamais procédé par le biais des grands électeurs pour élire leur capo suprême alors que la France passait encore par les grands électeurs pour élire les Président de la 4ème république y compris le dernier, Charles De Gaulle, et ceci jusqu’à l’avènement de la 5ème.
    Et, contrairement aux américains, les grands électeurs français n’avaient aucune obligation morale de choisir comme président le favori des électeurs de leurs circonscription.
    Mais le passé est le passé !

     

    USA et UE, où est la vraie démocratie ? 

    Les Présidents.

    Pour le présent, je note que le Président de la Commission Européenne, exécutif qui devrait être comparé au Président des USA, est choisi par le Conseil de l’UE et ce choix indirect est ratifié au suffrage indirect par les députés européens. Depuis le traité de Lisbonne (2007), le Conseil est sensé choisir un Président de la Commission conforme aux choix populaires exprimés lors des élections européennes.

    Pour moi cela ne veut rien dire et c’est de toute façon invérifiable mais je suis intéressé par toute explication plausible !

    Je note quand même qu'en 2008 Barroso lui-même aurait admis un déficit de légitimité.

     

    Les députés de Strasbourg ne votent pas en fonction de leur propre choix mais ne font que ratifier la proposition de la Commission et il n’y a pas de consultation préalable des électeurs de leur circonscription.

    Aucune statistique existe mais on peut aisément imaginer que le Président de la Commission européenne soit élu alors qu’une majorité des européens, s’ils avaient leur mot à dire, auraient voté contre.
    Mais le suffrage universel direct n’existe pas pour les caciques de l’UE.
    D’ailleurs les électeurs européens ne savent généralement pas qui est choisi ni pourquoi.

    L’UE pratique donc la politique du fait accompli.

     

    Pour le Président du Conseil de l’UE c’est encore plus pire si on s’interroge sur le nombre de suffrages potentiels.
    En effet, le peuple n’est pas sollicité pour choisir ce Président au suffrage direct et leurs représentants à Strasbourg non plus pour un suffrage indirect.

    Il s’agit d’une présidence tournante.
    Donc que la majorité des européens soient d’accord ou non, peu importe.

    Qu’un état ou son président ait des politiques et des positions contraires à l’opinion générale des électeurs de l’UE n’entre pas en ligne de compte.
    Le prochain aurait pu être la Grande Bretagne pays quelque peu hostile à l’UE et sensé se battre contre elle pour obtenir des concessions utiles à sa sortie.
    Mais le hasard du calendrier fait que c’est Malte qui présidera des la 1er janvier prochain.
    C’est le plus petit pays de l’union après l’Islande (430 000 habitants pour 510 millions dans le reste de l’UE soit 0,08% du total).

    Pas de scrutin ce qui occulte la polémique qui fait l'actualité aujourd’hui aux USA.

     

    OK, l’UE n’est pas mature mais en France c’est mieux, non ? 

    Le scrutin à deux tours de notre présidentielle.

    Comme cité plus haut, la France n’utilise plus les grands électeurs pour désigner le Président de la république. Nous procédons maintenant avec un scrutin direct à deux tours.
    Seuls les deux candidats en tête du premier tour sont retenus pour le deuxième et sera Président celui recueillant le plus de suffrages au deuxième scrutin.

    Dans un pays de démocratie restreinte où les votes blancs ne sont pas comptabilisés (venant d’électeurs qui ne souhaitent aucune des options restrictives retenues par le système), le vainqueur du deuxième tour est élu avec une majorité relative de 50,1% mais un soutien populaire toujours inférieur au score officiel !
    Dans certains cas, ce choix peut être contraire au souhait d’une majorité des votants.

     

    Le scrutin à deux tours des députés. 

    Même système que pour le Président mais qui révèle ses défauts qui sont aggravés par la multiplicité des circonscriptions et les magouilles habituelles de redécoupages électoraux.
    Ainsi, l’exemple des élections de 1993 repris dans les deux tableaux suivants, est plutôt révélateur.

    On y voit que la droite soutenue par seulement 41% des électeurs au premier tour, rafle 82% des postes soit le double de son poids estimé, avec l’expression de seulement 28% du total des inscrits.
    Par contre, le PS pesant 18% au premier tour, ne récolte que 10% des élus.

    Pire, le FN avec 13% au premier tour n’aura eu aucun élu alors que le PCF, moins bien placé que le FN au premier tour récolte 4% des élus, soit autant que tous les autres petits partis qui, dans leur ensemble rivalisaient pourtant avec le PS avec 18% des suffrages au premier tour.

     

     

    Distribution des voix au premier tour :

    VOTANTS            23 946 839   100%

    RPR et UDF           9 763 509     41%

    PS                           4 415 495     18%

    FN                           3 152 543     13%

    PCF                         2 331 399     10%

    Tous les autres    4 285 893      18%

     

    Résultats après le 2nd tour :

                                                                 % des          % des            % des                 % des

                                                 élus             élus         inscrits          votants         non-blancs

    VOTANTS            19 770 669                577                 100%                    51%            

    RPR et UDF         10 919 662                472                   82%                    28%                     48%                         53%

    PS                           6 143 179                  57                   10%                    16%                     27%                          30%

    FN                           1 168 160                    0                     0%                       3%                       5%                           6%

    PCF                            951 213                  23                     4%                       2%                       4%                           5%

     

    Tous les autres        588 455                  25                     4%                       2%                       3%                           3%

     

    Certes ce système électoral a des avantages car jusqu’à l’arrivée de Hollande, il établissait une majorité permettant au gouvernement de faire voter ses projets de loi, mais au sujet de la représentation populaire que nous évoquons ici, peut-on s’enorgueillir d’un système meilleur que les USA ?

     

    D’ailleurs, pour le vote de chaque loi, et Hollande nous en a fournit plusieurs fois la preuve, rien ne nous permet d’affirmer que le résultat obtenu correspond à la volonté populaire.

    Et les propositions de référendum faites lors des primaires, qui en fait suggèrent que le peuple pourrait avoir une opinion différente de celle de ses représentants élus, évoquent bien cette question.

    Tout cela me rend modeste quant à l’opinion que je pourrais exprimer sur la légitimité d’un président américain qui n’aurait pas obtenu la majorité sous une autre forme de scrutin !

     

     


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